Lu sur CRIC-Grenoble.info :
Quelques éléments sur les alliances en cours au sein de l’extrême-droite grenobloise.
Ces dernières années on a vu à l’échelle locale comme au niveau national des alliances improbables au sein de l’extrême-droite. A l’occasion de la venue récente d’Alain Soral à Grenoble, observons la rencontre entre un antisémite homophobe qui drague les jeunes musulmans, et des apprentis dentistes catholiques néo-nazis.
Alain Soral à Grenoble : Egalité et Réconciliation Isère frappe un grand coup
Le 23 mars 2019 la section iséroise d’Egalité et Réconciliation (E&R) organisait une conférence intitulée « Brexit, Trump, Gilets jaunes : aujourd’hui la révolte des nations ? » animée par Alain Soral et Youssef Hindi (auteur se revendiquant historien et proche d’E&R, seule organisation française à le diffuser).La conférence qui devait initialement se tenir à Grenoble a finalement eu lieu à Seyssins sur un terrain privé situé en contrebas de la clinique du Dauphiné. De l’aveu même de Soral cette conférence a été déplacée à l’extérieur de Grenoble suite aux pressions exercées par « un avocat de la LICRA tunisien », « les antifas luttant contre l’invasion fasciste » et « un adjoint au maire ». Ce dernier, Emmanuel Carroz, ayant par la suite subit des menaces directes (1).
En vérité Soral et son organisation ont surtout voulu se protéger pour éviter que l’événement soit attaqué comme cela a pu être le cas à plusieurs reprises dans d’autres villes (2).
Une fois encore il était difficile de savoir où se tiendrait la conférence. E&R ont opté pour un classique : il fallait tout d’abord s’inscrire par mail avec nom, prénom et numéro de téléphone pour ensuite recevoir par texto quelques heures avant la conférence les modalités pour s’y rendre. Cela dit, même les journalistes du Dauphiné Libéré y sont parvenus.
Pas rassurés pour autant, E&R avait mis en place le 23 mars un service de sécurité maison constitué d’une trentaine de militants dont le rôle consistait à se poster au bord de la route de Saint-Nizier sur environ 2 kilomètres. Cela permettait à la fois aux organisateurs de jeter un œil sur la route et de guider les participants jusqu’au terrain, accessible uniquement à pied par une petite impasse montante.
Alain Soral : gourou, leader politique et chef d’entreprise
Alain Soral, né en 1958, est un ancien adhérent du PCF (dans les années 90) et du FN (membre du bureau politique en 2009). Il a fondé en 2007 sa propre organisation (Égalité et Réconciliation) dont la devise est « gauche du travail, droite des valeurs ».
Ces dernières années Alain Soral a été plusieurs fois condamné pour incitation à la haine raciale, diffamation, injures racistes ou pour apologie de crimes de guerre et contre l’humanité. Un tribunal parisien l’a encore condamné récemment (avril 2019) à 1 an de prison ferme avec mandat d’arrêt. Ironie du sort, celui qui se veut « anti-système » se trouve défendu par le Parquet de Paris qui a lui-même fait appel de cette condamnation.

Alain Soral, Alain Escada et Alexandre Gabriac, lors de la fête du Pays Réel organisée par Civitas à Rungis le 30 mars 2019
Alain Soral énonce depuis le début des années 2000 un discours à la fois antisémite, négationniste, complotiste, sexiste et homophobe. Au-delà de ses nombreuses vidéos sur internet qui comptabilisent des centaines de milliers de vues, Soral est l’auteur de nombreux livres dont le plus vendu demeure Comprendre l’Empire (100000 exemplaires). Il est également à la tête d’une maison d’édition, Kontre Kulture, qui met en vente sur internet des « œuvres » de Charles Maurras, Serge Ayoub ou encore Adolf Hitler, outre les livres de Soral lui-même. Soral est également célèbre auprès du grand public pour son amitié avec l’humoriste et polémiste Dieudonné.
Les thèmes de prédilection de Soral sont l’antisémitisme virulent, la sexualité, la virilité et les théories du complot. Ces thèmes sont évidemment repris par son mouvement Égalité et Réconciliation, grâce à un usage intensif d’Internet. L’analyse du discours de Soral montre qu’il s’inscrit dans la tradition antisémite d’extrême-droite, notamment national-socialiste (le complotisme, l’obsession de la perversité sexuelle des juifs, l’antisémitisme et le négationnisme, l’éloge de la violence, etc.). Une idéologie dont il se réclame d’ailleurs, bien qu’il rejette le racialisme du national-socialisme allemand.
La « réconciliation » prônée par Soral traduit en fait une main tendue aux jeunes issus de l’immigration arabo-musulmane. La diffusion de l’antisémitisme vers ces populations s’inscrit dans la tradition de la mouvance nationaliste-révolutionnaire européenne, souvent très antisémite et logiquement antisioniste. Ce discours trouve ses origines dans les travaux d’anciens cadres nationaux-socialistes, dont certains ont développé une politique arabe poussée, parfois qualifié d’« autre tiers-mondisme ».
Soral s’inspire largement de l’antisémitisme du début du XXe siècle, du complotisme et de l’antimaçonisme (Drumont, Maurras, etc.). On retrouve ainsi dans la rhétorique soralienne un grand nombre de thèses contre-révolutionnaires qui le rapproche des idées d’origine de l’Action Française (organisation royaliste maurrassienne) et le situe dans le courant idéologique nationaliste révolutionnaire.
À ce mélange, il faut ajouter des références catholiques assez particulières. Dans l’interview donnée suite à sa conférence dans les montagnes grenobloises (sur la chaine youtube « Culture Populaire »), Soral déclare : « il apparaît aujourd’hui que la bannière derrière laquelle on pourrait tous marcher en tant que gilet jaune ou que peuple en colère en voie d’insoumission finalement c’est le Christ » car « le plus saint, le plus unificateur et le plus subversif serait de revenir au Christ gilet jaune ». Soral parle maintenant de « réconciliation nationale par le Christ ». Ces références catholiques rendent désormais possible des liens qui semblaient peu probables entre E&R et Civitas.
Civitas à Grenoble et en Isère
Civitas (3) est une organisation politique catholique traditionaliste qui se présente (ou du moins essaie de se présenter) à des élections depuis 2016. Adeptes du national-catholicisme, les membres de Civitas se revendiquent anti-mondialistes et sont violemment opposés aux droit à l’avortement et au mariage pour tous. C’est la branche politique des Capucins de Morgon et de la fraternité Saint Pie-X, deux branches intégristes de l’Église catholique (La Fraternité Saint Pie-X est très bien représentée dans l’agglo par le prieuré de Meylan qui comprend une école maternelle (4). En Rhône-Alpes, Civitas est dirigée par Alexandre Gabriac, 29 ans, ancien du Front national, adepte du coup de poing et du bras tendu. Civitas s’est fait connaître localement par sa participation aux élections législatives 2017. Le 20 mai 2017, Civitas organisait un meeting de campagne à Saint-Martin-d’Hères (le même jour que celui du FN Louis Alliot à Grenoble). Dans la nuit, des individus en moto attaquaient le bidonville Valmy en moto. Deux jours plus tard, des cocktails molotovs étaient jetés sur ce même bidonville, ce qui permit à la préfecture (avec le silence complice de la mairie de Grenoble) d’expulser les habitants sous le prétexte de « trouble à l’ordre public ». Le 3 juin de cette même année, Civitas s’illustrait encore par sa banderole lors de la Marche des fiertés.
Lire la suite ici
Grenoble : Les extrêmes-droites se rejoignent SOURCE: lahorde]]>